Type et date de soutenanceSoutenance de thèse

Maisons juives, économie ottomane. Le commerce de Salonique et le marché des Balkans du long XIXe siècle

Andrea Gritti

Résumé :

Ma thèse se penche sur la genèse et évolution d'un système relationnel qui lie les maisons de commerce de Salonique aux propriétaires terriens et aux paysans indépendants de Macédoine et du Kosovo, entre les années 1830 et la Grande Dépression. La première partie de mon travail examine la consolidation, à la fois matérielle et idéelle, des rapports économiques entre le port et l'arrière-pays. J'aborde en premier l'évolution géographique de ces relations, influencée à la fois par les conjonctures et le déclin de la domination ottomane dans les Balkans. Ensuite, je détaille les liens financiers qui unissent la population rurale aux négociants de Salonique, assurant un flux constant de marchandises destinées au marché international. Entre les années 1840 et 1860, l'exportation de certains produits devient plus rentable. Favorisés par le contexte politique international, les négociants font valoir que la croissance de ces affaires ne profite pas uniquement à eux-mêmes, mais également aux habitants de la région et à l'État. Le gouvernement valide leurs arguments et encourage leurs initiatives, amorçant une tendance qui se poursuit et s'intensifie jusqu'à la révolution jeune-turque. La deuxième partie se concentre sur la crise de ce système lors de la longue dépression. Les pressions centrifuges se multiplient à la fin des années 1860, lorsque les bénéfices du commerce extérieur s'effondrent. Le krach boursier de Vienne en 1873 plonge toute la Méditerranée orientale dans une crise financière, qui touche également la Macédoine et le Kosovo. À l'intérieur des terres, les pratiques commerciales courantes sont critiquées pour la répartition inégale des profits qu'elles autorisent, déséquilibrée en faveur de Salonique et de ses négociants. De nouvelles initiatives industrielles et financières sont prises pour accroître l'autonomie économique de l'arrière-pays. Le commerce de Salonique se retire. Les héritiers de son âge d'or réagissent sous diverses formes, pratiques et intellectuelles, à l'isolement du port. Leurs liens avec le gouvernement ottoman et la finance européenne se renforcent. De l'international, et notamment de la France, viennent les modèles culturels qui permettent d'élaborer une réflexion cohérente des espoirs déçus de la modernité économique. La troisième partie s'efforce de mieux distinguer les transformations sociales et politiques induites en Macédoine et au Kosovo par l'essor du commerce extérieur au XIXe siècle. Afin d'identifier les caractères originaux du système axé sur Salonique, celui-ci est replacé dans le contexte plus large des Balkans et de la Méditerranée. La comparaison avec d'autres villes marchandes du Levant, d'une part, et avec des régions balkaniques moins touchées par la commercialisation de l'agriculture, d'autre part, met en lumière le profil des négociants de Salonique et de leurs partenaires. Trois paradigmes issus de la sociologie historique soutiennent cette analyse. Le premier concerne le second servage : il s'agit d'examiner les effets de la croissance des revenus des exportations sur les conditions de vie des travailleurs soumis aux contraintes seigneuriales. Le deuxième est celui des compradores, qui permet de questionner si les accusations portées contre les négociants de Salonique au nom de leur prétendue indifférence vis à vis des communautés nationales influencent d'une manière ou d'une autre leurs initiatives. Enfin, le troisième traite du lien entre la participation des Juifs au commerce international et leur émancipation.

Jury

  • M. Marc Aymes (Directeur de thèse), EHESS
  • M. Guillaume Calafat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
  • M. Edhem Eldem, Université du Bosphore
  • Mme Svetla Ianeva, New Bulgarian University
  • M. Alp Yücel Kaya, Université de l’Egée
  • M. Costas Lapavitsas, SOAS University of London
  • Mme Claire Lemercier, CNRS
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