Turquie contemporaine

Responsables : Hamit Bozarslan et Emmanuel Szurek

A l’EHESS, les études sur la Turquie contemporaine remontent aux années 1980 et à la fondation de l’équipe ETO (« Études turques et ottomanes », EHESS, puis CNRS-EHESS, 1990). Le regretté Altan Gökalp, anthropologue, en fut, avec l’historien François Georgeon, l’un des premiers arpenteurs et animateurs. Aujourd’hui, le champ s’appuie sur un ensemble d’enseignants-chercheurs et de chercheurs de l’EHESS et du CNRS, ainsi que sur un réseau dense de masterants, doctorants, anciens doctorants et post-doctorants, parmi lesquels de nombreux ressortissants de Turquie. Leurs parcours scientifiques et leurs ancrages disciplinaires variés permettent une double démarche, articulant sociologie politique et histoire, analyse des héritages ottomans et étude du temps présent, afin de comprendre les dynamiques de continuité et les ruptures radicales dont les espaces ottomans et post-ottomans sont le théâtre aux XXe et XXIe siècles. La Turquie est ici saisie dans son contexte micrasiatique aussi bien que dans ses liens historiques et actuels avec les Balkans, le Caucase et le Moyen-Orient ; ses attaches avec les sociétés européennes et russe sont également au cœur de nos préoccupations. La prise en compte de ces interfaces nombreuses et hétérogènes offre ainsi de nombreuses perspectives comparatives et croisées qui font du CETOBaC un lieu d’observation des circulations bien plus qu’une « aire culturelle ».

Ces perspectives temporelles et spatiales apportent un éclairage neuf sur de nombreux sujets, des appartenances et mobilités transfrontalières à l’émergence des microclimats politiques, du phénomène de la violence à la condition féminine, de la circulation des courants d’idées à la culture matérielle, des imaginaires politiques – en particulier nationalistes – à la formation et à la crise des institutions publiques dans l’Empire ottoman puis la Turquie républicaine.

Parmi les thèmes mobilisant particulièrement l’attention des collaborateurs de ce programme, on peut mentionner :

—  l’histoire transnationale de la pensée et des courants politiques (unionisme, « kémalisme », conservatismes, courants de droite, islamisme et autres « -ismes »);

—  la sociologie de l’affiliation politique et de l’action collective (syndicats, partis, associations; mobilisations sociales et politiques);

—  la sociologie et la sociohistoire de l’État et des institutions publiques, y compris à l’échelon municipal;

—  le rôle de la coercition, de la violence et de la guerre dans la formation et la reformation de la Turquie nationaliste;

—  religiosités, pluralismes religieux, autorités religieuses; sécularismes et sécularisations;

—  questions de genre : luttes féministes, participations féminines au politique, masculinités politiques;

—  sociologie urbaine, pauvreté et charité, clientélisation des quartiers défavorisés, intégration urbaine ;

—   migrations, déplacements, mobilités dans l’espace post-ottoman;

—  espace kurde, contestation armée et résistance civile et politique kurde en Turquie; formation du Kurdistan d’Irak, mouvement kurde et violence;

—   problématiques mémorielles et génocide des Arméniens de 1915;

—   persécutions des chrétiens et des juifs dans la Turquie post-génocidaire;

—  champs culturel et médiatique, politiques culturelles dans la Turquie de l’AKP.
 

Plusieurs membres de l’équipe siègent aux comités éditorial et scientifique de l’European Journal of Turkish Studies. Ils entretiennent également de nombreuses relations institutionnelles avec des collègues d’Europe, de Turquie et des États-Unis, notamment via les cotutelles de thèse, les programmes d’échanges ERASMUS et les invitations de professeurs invités à l’EHESS. Les deux premières « Conférences du CETOBaC », tenues respectivement par les professeurs Erik-Jan Zürcher (Université de Leiden) en 2015 et par Hans-Lukas Kieser (Université de Newcastle, Australie / Université de Zürich) en 2018, sont le résultat de ces collaborations. Les chercheurs engagés sur ce terrain sont également nombreux à s’investir dans les programmes français d’accueil d’étudiants et d’enseignants-chercheurs de Turquie en situation d’urgence, en particulier le programme PAUSE créé en janvier 2017. L’achèvement du Campus Condorcet, au début des années 2020, permettra au CETOBaC de renforcer ses capacités dans ce champ d’études grâce à la concentration de nouvelles ressources documentaires concernant la Turquie et l’espace post-ottoman.