Études de genre

Responsable : Fabio Giomi

Quel rôle l’Empire ottoman a-t-il joué dans la production et la contestation des normes de contrôle du corps et de la sexualité, ainsi que dans l’encadrement des rapports de genre ? Et comment la référence à l’Empire ottoman continue-t-elle à hanter les différents espaces publics qui se sont formés sur le cendres de cette entité politique jusqu’à aujourd’hui, en Europe et au Moyen Orient ? Venant de disciplines différentes et porteurs de savoirs d’aire fort variés, les chercheur.se.s qui se regroupent autour du champ genre sont animé.e.s par un objectif commun : explorer ce que l’Empire ottoman a fait, et continue de faire, au genre.

Depuis le XIXe siècle au moins, au moment où l’Empire ottoman traverse une crise militaire, économique et politique et engage en même temps ses efforts de réforme, les normes de genre sont devenues dans le monde ottoman un terrain de contestation d’une importance cruciale. Les acteurs étatiques, religieux et de la société civile en formation ont en effet essayé d’inscrire dans les corps des populations leurs différents projets politiques, en imposant de nouveaux régimes de genre et de nouvelles normes de contrôle du corps. Leur but était d’établir différentes loyautés impériales, nationales ou confessionnelles, et à tracer des frontières entre un « nous » et un « autre ». Les historiographies des différents États post-ottomans, pour des raisons éminemment politiques, ont longtemps sous-estimé l'héritage ottoman dans les anciens territoires impériaux et très souvent, l’histoire des femmes et du genre n’a pas échappé à un tel « nationalisme méthodologique ».

Avec ces idées à l’esprit, nos activités se concentrent dans trois directions :

l’espace (post-) ottoman au prisme du genre. Explorer ce que la transition entre Empire et Etat-Nation a impliqué pour les relations de genre.

entre régime politique et régime de genre. Réfléchir aux synchronies et diachronies entre changement institutionnelle et pratiques et discours de genre.

l’Empire ottoman et le genre aujourd’hui. Analyser la façon dont l’Empire ottoman continue à être mobilisé dans les différents espaces publics d’Europe et du Moyen Orient pour promouvoir, ou bien pour rejeter, certains rapports de genre.

Le champ des études de genre n’a pas, en 2018, de cycle de séminaires au CETOBaC. Plusieurs projets collectifs s’inscrivent à l’heure actuelle dans ce domaine de recherche. Fabio Giomi et Stefano Petrungaro (Université de Venise) coordonnent un dossier sur le fait associatif, le genre et l’Etat dans la Yougoslavie Monarchique (European Review of History :  Revue Européenne d’Histoire, à paraitre 2019). Irvin Cemil Schick travaille, avec Helga Anetshofer et Ipek Huner-Cora (université de Chicago), à l’édition d’un dictionnaire en langue anglaise de terminologie érotique ottomane. Fabio Giomi et Ece Zerman coordonneront la publication du numéro 48 de la revue Clio. Femmes, genre, histoire consacré aux questions de genre dans l’espace (post-)ottoman (à paraitre, décembre 2018). Emmanuel Szurek travaille sur Madame Hati, chef de village anatolienne élue au parlement turc en 1935 et, à travers ce cas, aborde les politiques du genre de la Turquie kémaliste. Sümbül Kaya (IFEA, Istanbul) développe ses recherches sur la construction de la masculinité à partir de l’expérience de la conscription et de la violence dans les forces armées turques. Ozan Soybakış, dans le cadre de son doctorat, se penche sur une étude ethnographique et sociologique des masculinités des jeunes Turcs politisés en France. Lucie Drechselová, dans la continuité de son doctorat, se lance dans une étude de l’engagement et du désengagement militant chez les femmes impliquées dans la politique locale en Turquie.