Droits des personnes, mouvements sociaux et mutations politiques

Contacts : Cloé DRIEU, Isil ERDINC et Hayri Gökşin ÖZKORAY

Les recherches en histoire et en études politiques traitant des violences politiques, des mouvements sociaux et des droits des personnes se sont largement développées au CETOBaC depuis une décennie. La question du statut juridique et des pratiques sociales fait également entrer en discussion des recherches très variées, qui déploient des notions de subjectivité, d’assujettissement, d’intégration, d’exclusion ou d’identification, pour établir ainsi ce qui se rapporte de plus spécifique à l’être humain face à la bureaucratie, aux instances religieuses, aux communautés fraternelles.

Les publications et travaux en cours
 

La spécificité des violences en temps de guerre et d’occupation sont au cœur de nos recherches avec les travaux de Nikos Sigalas, qui se consacre à une histoire sociale de la violence infligée aux populations civiles chrétiennes orthodoxes dans le monde hellénophone, ou celles de Cloé Drieu sur le Turkestan impérial russe ainsi que sur le front méconnu du Caucase durant la Première Guerre mondiale (ouvrage codirigé avec Claire Mouradian aux Éditions du CNRS). Parallèlement, Xavier Bougarel pose les bases de deux ouvrages sur l’histoire sociale des partisans yougoslaves et les querelles historiographiques concernant la Seconde Guerre mondiale en Europe du Sud-Est. Plusieurs chercheurs travaillent sur des conflits plus récents : soldats soviétiques d’Afghanistan entre 1979 et 1989 (Cloé Drieu) ; pensée stratégique et politiques étrangère et de défense de l’Iran après la révolution de 1979 (Wendy Ramadan).

Les définitions juridiques de la violence — et partant, de la personne, ou réciproquement — sont un élément clé de notre compréhension des systèmes impériaux. À ce titre, l’intérêt du cas de figure ottoman n’est plus à démontrer. La question   est traitée par Benjamin Lellouch qui s’intéresse aux massacres de prisonniers de guerre en territoire ottoman aux XVe-XVIIesiècles, par Hayri Gökşin Özkoray qui analyse les différents régimes de servitude aux XVe-XVIIe siècles, ou encore par Elisabetta Borromeo qui édite les cours de Gilles Veinstein sur les esclaves du sultan donné au Collège de France en 2009-2011. L’histoire ottomane plus tardive est l’objet de recherches autour de la « constitutionnalisation » de l’Empire au XIXe siècle : Erdal Kaynar analyse la façon dont les penseurs de l’égalité et de la propriété articulent société et individu ; Barış Zeren étudie les pratiques d’incorporation et d’exclusion autour de la nationalité, travail auquel fait écho Elif Becan sur la catégorisation des étrangers par l’État turc (1923-1964). Élise Massicard poursuit ses recherches sur l’identification des personnes par les « maires de quartier » en Turquie. D’autres encore abordent la personne en tant qu’être de spiritualité, intangible parfois : ainsi N. Vatin s’agissant des rêves de Hayre-d-dîn, saint patron des marins ottomans, Özgür Türesay (avec Alexandre Toumarkine et Till Luge) sur les mouvements spirites ottomans, Benoît Fliche sur les pratiques votives, rêves et techniques de divination de la Turquie contemporaine.

Plusieurs thématiques relevant davantage de la sociologie politique sont également traitées en fonction de terrains variés : institutions publiques (Élise Massicard), organisations territoriales (Lucie Drechselová), forces armées (Sümbül Kaya), associations (Julien Boucly), élites économiques (Gabriela Côrte-Réal Pinto), champ médiatique (Pelin Ünsal). L’étude de la formation de l’État albanais permet à Nathalie Clayer de revisiter la question du croisement entre question religieuse et question scolaire, alors que Falma Fshazi analyse l’organisation de la jeunesse albanaise de l’entre-deux-guerres et Markenc Lorenci celle du Parti communiste albanais et d’autres mouvements politiques et sociaux entre 1941 et 1944.

Les projets collectifs en cours
 

L’étude des situations d’occupation est au cœur du projet collectif « Danse sur le volcan : Istanbul occupée (1918-1923) », porté par Frédéric Hitzel et Timour Muhidine, associant plusieurs institutions (Inalco, Ifea, Orient-Institut) et mobilisant des sources primaires variées (littérature, mémoires, photographies, œuvres d’art…). Catherine Pinguet se consacre à l’inventaire de la collection privée de Pierre de Gigord. Renaud Dorlhiac, en collaboration avec les Écoles françaises d’Athènes et de Rome, s’interroge sur l’impact des occupations civiles et militaires sur la construction des identités locales sur le Front d’Orient. Les recherches portent également sur le second conflit mondial : Xavier Bougarel et Hannes Grandits (Université Humboldt) coordonnent le projet « Bread & Horses » (Yougoslavie, Grèce, Albanie), qui explore la circulation des biens, hommes et idées en circonstances de guerre, au-delà des barrières nationales et des conflits idéologiques. Nathalie Clayer, Fabio Giomi, Markenc Lorenci et Redi Halimi y participent.

Les dynamiques de transferts internationaux, les interactions entre acteurs publics et privés, politiques et experts, dans la fabrique de l’action publique sont au cœur des programmes de recherche Propol (Projet PSL), coordonné par Benjamin Gourisse et Işıl Erdinç, qui regroupent plusieurs chercheur.e.s en sociologie et en science politique.